Volume 7, numéro 1, hiver 2016
Marlène Mainville
« La patience du jardinier vient de sa foi des soins qu'il porte chaque jour à la semence de son jardin en sachant fort bien que même si aucun résultat n'est visible, il y a de belles racines qui se forgent et se développent sous la terre et que le moment venu, une pousse visible aux yeux récompensera son labeur. »
Cette métaphore illustre parfaitement le travail invisible1 qu'effectuent plus d'une trentaine d'infirmières qui composent les équipes interdisciplinaires enfance famille du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la région. Ce texte a pour objectif de souligner fièrement les pratiques exemplaires du savoir-faire et du savoir-être qu'appliquent jour après jour nos consœurs de travail auprès de plus de 140 enfants qui naissent chaque année dans des conditions de pauvreté en Abitibi-Témiscamingue. Ce nombre est malheureusement sous-estimé car, dans les faits, d'autres enfants naissent dans des conditions de vulnérabilité, mais ils ne peuvent avoir accès aux services du programme SIPPE, car les critères d'admissibilité sont serrés. Ce programme offre des suivis, par une intervenante privilégiée, auprès des femmes enceintes vivant sous le seuil de faible revenu et qui ne détiennent pas de diplôme d'études secondaires, et ce, dès la 12e semaine de grossesse jusqu'à ce que l'enfant ait 5 ans. L'approche se centre sur la stratégie d'action du renforcement du pouvoir d'agir des personnes et des communautés. Elle vise ultimement à soutenir les compétences parentales pour permettre à l'enfant de se développer à son plein potentiel.
Il est maintenant clair que vivre en situation de pauvreté entraîne des impacts défavorables sur la santé des individus. Naître dans ces conditions est en soi un premier grand défi pour le petit bébé. L'accompagnement offert par une infirmière auprès des parents est un puissant facteur de protection pour l'enfant à naître à condition, bien sûr, de joindre et de maintenir la clientèle dans les services. C'est bien là tout le défi que les infirmières doivent relever en développant parallèlement des compétences pour établir un lien de confiance.
Dans un contexte de gestion de soins d'établissements axés sur les résultats, il est difficile de démontrer à court terme les impacts observables liés au programme SIPPE. Au-delà des interventions mesurables, le travail invisible des infirmières fait que ce qu'elles créent aujourd'hui rapportera beaucoup plus tard, mais ne paraît pas toujours dans le moment présent. Comme l'illustre la métaphore du jardinier, nous pouvons être fières des efforts que persistent à faire les infirmières des équipes SIPPE de notre région, car ce travail invisible, elles le font avec foi. Pour travailler avec les familles en situation de pauvreté, il est impératif d'avoir de la créativité, de la patience et de la souplesse pour s'adapter aux nombreuses situations de crise. Elles savent que même si rien n'est apparent, des forces se créent. Un succès se voit, par exemple, quand un bébé reprend du poids après une perte importante ou chez l'enfant qui reçoit ses vaccins à temps. Cela peut aussi être un parent qui accepte de nous recevoir à domicile, qui inscrit son enfant au Centre de la petite enfance (CPE), qui avoue un contexte de violence ou qui appelle l'infirmière quand il a besoin d'aide. Ces victoires ne se comptent pas et sont invisibles, mais elles rapporteront beaucoup plus tard.
Au-delà des examens physiques, de la vaccination, des pratiques d'enseignement de soins et de promotion de la santé, des infirmières de cœur du CISSS-AT se donnent tout entières auprès des parents et de leurs enfants de moins de 5 ans qui vivent en situation de grande vulnérabilité. Travailler auprès de cette clientèle demande du cœur, de l'humilité, de l'adaptation et du courage, car les conditions hostiles dans lesquelles les familles vivent entraînent parfois un sentiment d'impuissance chez les infirmières. Faire connaître en quelques lignes le travail exemplaire de ces professionnelles est chose difficile, car les impacts favorables qu'elles suscitent sont immenses. C'est un véritable défi de souligner le travail invisible qu'elles font au fil des jours. À vous toutes, bravo, vous êtes des « infirmières-jardinières » exemplaires!
Marlène Mainville, Infirmière clinicienne, Direction de santé publique, CISSS-AT
1 Le titre de cet article s'inspire du stage postdoctoral de Leah Walz, Le travail invisible des infirmières, qui a été appliqué dans le cadre du programme de prévention SIPPE offert par tous les CISSS du Québec.
Pour en savoir plus :
» Le travail invisible des intervenants SIPPE : aperçus anthropologiques (PDF)
» Consultez le site de la direction de la santé publique - Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance (SIPPE)
![]() |
Équipe SIPPE de Rouyn-NorandaDe gauche à droite :
|
![]() |
Équipe SIPPE du TémiscamingueDe gauche à droite :
|
![]() |
Équipe SIPPE de Val-d'OrDe gauche à droite :
|
![]() |
Infirmières de l'équipe SIPPE de La SarreDe gauche à droite :
|
![]() |
Infirmière SIPPE de Malartic
|
Pour l'équipe SIPPE d'Amos et l'infirmière de Senneterre, nous n'avons malheureusement pas de photos.
Mots clés